mardi 29 mars 2011

Mathias Enard : Historien ou Ecrivain ?

Dans son livre « Parlez leur de batailles de rois et d’éléphants », Mathias Enard raconte
l’histoire - réelle ou fictive – de Michel Ange lors de la création du pont de la Corne d’or.

Représentation de Constantinople au XVIème siècle

Dans un empire Ottoman sous influence artistique italienne lors de la Renaissance, Michel
Ange fait son apparition à la demande du sultan Bajazet. Le célèbre auteur du David de
Florence accepte cette proposition, pour fuir Jules II, le pape guerrier , à qui il devait dessiner les plans de son tombeau. Il consentit de plus à la demande de Bajazet pour prouver un talent supérieur à celui de son rival Léonard de Vinci, qui a lui-même proposé ses propres plans de ce même pont à Bajazet qui furent d’ailleurs refusés. L’histoire est supposée se dérouler en 1506 et conte l’aventure mystérieuse, poétique et surprenante de ce génie au cœur de la l’ancienne capitale byzantine, à cheval sur deux continents.

http://www.leglobelecteur.fr/index.php?post/2010/08/27/Mathias-Enard-Parle-leur-de-batailles%2C-de-rois-et-d-%C3%A9l%C3%A9phants

Ce roman mêle récits et poésies, ce qui donne un style que l’on retrouve peu dans la littérature. Mathias Enard décrit avec passion une capitale multiculturelle sous le soleil de l’orient. En retraçant cette période inconnue de la vie de Michel-Ange, l’auteur, par cette entreprise audacieuse, nous charme à l’aide de ce style unique, original et parlant à chacun. Cet expert en langues arabes a très certainement étudié le cadre culturel de Constantinople en ce début de XVIe siècle, âge d’or de l’art italien pour nous en peindre un tableau si précis. Mathias Enard ressuscite l’orient du 16eme siècle en utilisant le champ lexical des cinq sens :

« La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle. On la porte au bûcher à l’aube. Et avec elle ses gens, les buveurs, les poètes, les amants. Nous sommes un peuple de relégués, de condamnés à mort. Je ne te connais pas. Je connais ton ami turc ; c’est l’un des nôtres. Petit à petit il disparaît du monde, avalé par l’ombre et ses mirages ; nous sommes frères. Je ne sais quelle douleur ou quel plaisir l’a poussé vers nous, vers la poudre d’étoile, peut-être l’opium, peut-être le vin, peut-être l’amour ; peut-être quelque obscure blessure de l’âme bien cachée dans les replis de la mémoire.
Tu souhaites nous rejoindre.
Ta peur et ton désarroi te jettent dans nos bras, tu cherches à t’y blottir, mais ton corps dur reste accroché à ses certitudes, il éloigne le désir, refuse l’abandon.
Je ne te blâme pas.
Tu habites une autre prison, un monde de force et de courage où tu penses pouvoir être porté en triomphe ; tu crois obtenir la bienveillance des puissants, tu cherches la gloire et la fortune. Pourtant, lorsque la nuit arrive, tu trembles. Tu ne bois pas, car tu as peur ; tu sais que la brûlure de l’alcool te précipite dans la faiblesse, dans l’irrésistible besoin de retrouver des caresses, une tendresse disparue, le monde perdu de l’enfance, la satisfaction, le calme face à l’incertitude scintillante de l’obscurité. Tu penses désirer ma beauté, la douceur de ma peau, l’éclat de mon sourire, la finesse de mes articulations, le carmin de mes lèvres, mais en réalité, ce que tu souhaites sans le savoir, c’est la disparition de tes peurs, la guérison, l’union, le retour, l’oubli.
Cette puissance en toi te dévore dans la solitude.
Alors tu souffres, perdu dans un crépuscule infini, un pied dans le jour et l’autre dans la nuit. »

Ou encore


« "Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l’amour ; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples. Ils s’accrochent à des récits, ils les poussent devant eux comme des étendards ; chacun fait sienne une histoire pour se rattacher à la foule qui la partage" ».



La narratrice de cet extrait est une danseuse qui s’exprimera de cette façon poétique à plusieurs reprises dans le livre. Michel-Ange, le personnage principal, la décrira comme un être à part, entre les deux sexes, et d’une extrême beauté. Un grand mystère enveloppe ce personnage suscitant la fascination qui sera lié indirectement à Michel-Ange. Le récit de Mathias Enard contient une affinité avec les arts tels que la musique ou l’architecture :


“Petit à petit, assis en tailleur sur ses coussins, Michel-Ange se sent envahi par l'émotion. Ses oreilles en oublient la musique, alors que c'est peut-être la musique elle-même qui le plonge dans cet état, lui fait vibrer les yeux et les emplit de larmes qui ne couleront pas ; comme dans l'après-midi à Sainte-Sophie, comme chaque fois qu'il touche la Beauté, ou l'approche, l'artiste frémit de bonheur et de douleur mêlés“.



On ne peut pas parler de « Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants » sans citer le plus fidèle compagnon de Michel-Ange pendant cette période de sa vie : Mesihi. Ce poète débauché le guida à travers cette aventure que nous conte si bien Mathias Enard. Le poète était surnommé « le fils de la ville », et doit son nom au fait qu’il courait plus les tavernes qu’il ne travaillait. Ce protégé d’Ali Pacha est connu comme l’un des poètes les plus originaux de son époque, et Mathias Enard le met en scène de façon étonnante. Il entretient avec Michel-Ange une relation étroite, mystérieuse et profonde.

"Il a sacrifié son amour une dernière fois, sans rien espérer en retour (...) Il pleure souvent; seule l'arrivée de la nuit et de la débauche lui apporte un peu de réconfort"


Ce qui est important à préciser dans ce texte est le rôle du titre. « Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants » sera expliqué par la danseuse dans cet extrait si poétique, sûrement le plus poétique de ce récit :


« Je sais que les hommes sont des enfants qui chassent leur désespoir par la colère, leur peur dans l’amour ; au vide, ils répondent en construisant des châteaux et des temples. Ils s’accrochent à des récits, ils les poussent devant eux comme des étendards ; chacun fait sienne une histoire pour se rattacher à la foule qui la partage. On les conquiert en leur parlant de batailles, d’éléphants, de rois et d’êtres merveilleux ; en leur racontant le bonheur qu’il y aura au-delà de la mort, la lumière vive qui a présidé à leur naissance, les anges qui leur tournent autour, les démons qui les menacent, et l’amour, l’amour, cette promesse d’oubli et de satiété. » (p.66)


Ce roman n’aurait put être si réaliste si l’auteur n’avait pas étudié le décors en utilisant ses connaissances non seulement dans la langues mais il également vécu au Moyen Orient pendant un temps. Ce roman est assez facile à lire et captive le lecteur en mêlant poésie, roman et récit historique.



Paul d’Annoville Clément Lamy Antoine de Vergzac

lundi 28 mars 2011

Critique


Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants, la vinaigrette de la littérature par excellence ?




Quoi de meilleur qu’une bonne vinaigrette où la moutarde lie parfaitement deux éléments opposés, tels que l’huile et le vinaigre ?


Parle-leur de batailles de rois et d’éléphant, paru l’année dernière et primé au prix Goncourt des lycéens est le dernier roman en date de Mathias Enard, grand voyageur et polyglotte accompli. Il met en scène la venue de Michel-Ange, alors peu connu, à Constantinople dans l’optique de concevoir un pont désiré par le Sultan Bajazet. Tout en réalisant les plans, Michel-Ange découvre, dans sa nouvelle vie, une ville ouverte sur deux cultures, deux religions, deux civilisations, deux modes de vie, et prend conscience de l’importance du pont, dont le rôle, comme celui de la moutarde, serait de lier tous ces aspects de la ville différents voire opposés.


La vie de Michel-Ange n’étant que partiellement connue -au XVIème siècle la réputation des artistes primait sur l’exactitude historique- , Mathias Enard a eu la possibilité de réécrire une partie de sa vie, en y intégrant de nouveaux personnages grâce à la richesse de son travail de documentation. Totalement inventés, comme la danseuse andalouse, ou existants réellement, tel le poète Mesihi, ces rencontres vont aider Michel-Ange dans la réalisation de ce nouveau défi artistique.


Le pont que Michel-Ange est donc en charge de réaliser représente toute une symbolique autour du lien, d’un certain clivage, d’un mélange. Mathias Enard a su réinvestir ce thème du mélange tant au niveau de la forme de son œuvre que du fond, ou même au niveau des impressions qu’il parvient à procurer au lecteur.




Il est vrai que le roman Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants, n’est pas un roman banal puisque Mathias Enard a réussi à mélanger différents genres littéraires. Bien qu’il se base sur le personnage réel de Michel-Ange, il arrive à intégrer des éléments fictifs : ainsi le lecteur ne sait plus ce qui est réel et ce qui ne l’est pas. Mathias Enard a réussi à trouver un juste milieu entre fiction et réalité, à tel point que nous ne savons plus s’il s’agit d’un roman historique ou d’une biographie romancée. Il nous l’explique d’ailleurs dans la note finale de son livre, page 153-154 « Quant à l’affaire qui nous intéresse ici, voici donc ce que l’on peut facilement retracer : (…) Pour le reste, on n’en sait rien. ».


A ce mélange s’ajoute également une diversité de styles ; alors que certains passages sont basés sur les actions et les pensées des personnages avec des points de vue changeants, d’autres sont des passages épistolaires. L’intégration de ces lettres parvient à rythmer le livre même si elles laissent parfois le lecteur dans le vague, elles nous permettent également de nous rendre compte des relations que Michel-Ange avait avant le début du livre puisqu’il envoie des lettres à sa famille restée en Italie. Par exemple page 39 « Constantinople, 19 Mai 1506. A Buonarroto Di Lodovico Di Buonarrota Simoni In Firenze (…) ».


Mais Mathias Enard ne s’arrête pas là et intègre aussi des passages poétiques qui donnent au roman un côté léger, lyrique et presque mystique, à travers les vers inventés et chantés par l’esclave Andalouse à Michel-Ange quand celui-ci est dans ses bras. Le lecteur peut également apprécier des poèmes de Mesihi que Mathias Enard, loin de les imaginer, a repris au véritable poète.



En ce qui concerne les registres, on peut dire, de par les faits historiques, que ce roman présente –entre autre- un registre réaliste. L’action est incontestablement ancrée dans la réalité, des dates précises et des évènements réels nous le prouvent ainsi que de nombreuses descriptions de Constantinople : « Durant le reste de la matinée, sur les quais, autour de la porte, dans les remparts de la ville et jusqu’au milieu du port, où on les promène en barque, Michel-Ange et les ingénieurs observent et mesurent. Le sculpteur florentin contemple le paysage, la colline fortifiée de Péra, de l’autre côté de la Corne d’Or, la gloire de Stanbul qui lui fait fasse (…) » page 54. Mais d’autres registres viennent s’y mêler comme le registre pathétique et tragique incarnés par Mesihi qui n’ose révéler à Michel-Ange son amour pour lui et pour qui le seul moyen d’oublier est de se plonger dans l’alcool « Il a sacrifié son amour une dernière fois, sans rien espérer en retour (…) Il pleure souvent ; seule l’arrivée de la nuit et de la débauche lui apportent un peu de réconfort. ».


Par le mélange de tous ces genres et registres, Mathias Enard a su créer un support reflétant l’histoire qu’il a voulu imaginer. La forme est ainsi à l’image du fond.




Michel-Ange se voit confier la dure tâche de concevoir les plans d’un pont, mais le but poursuivi par le Sultan avec la réalisation de cet ouvrage est si particulier que la conception en devient une véritable épreuve. En effet, ce pont se doit d’être plus qu’un simple lieu de passage : il sera non seulement un carrefour des civilisations, mais également un lieu de rencontre entre Chrétiens et Musulmans ainsi qu’Occident et Orient. « Le pont sur la Corne d’Or doit unir deux forteresses, c’est un pont royal, un pont qui, de deux rives que tout oppose, fabriquera une ville immense » (page 35) Cet ouvrage sera militaire, commercial, religieux et politique.. Mathias Enard exploite cette rencontre en réalisant une immersion complète dans cette ville qui à l’image de ce futur pont est cosmopolite.


Cet espace est tout d’abord une rencontre entre deux cultures, comme nous les prouvent les marchandises arrivant par delà les mers et les océans : « huile de Mytilène, savons de Tripoli, riz d’Egypte, mélasse de Crète, tissus d’Italie, charbon d’Izmit, pierres du Bosphore » (page 54). Un endroit où les animaux domestiques peuvent être aussi bien des chiens que des singes, et où l’on joue du tambour basque et de la mandoline tout comme de l’aud et du saz déconcerte Michel-Ange qui se rend compte de l’essence pluriculturelle de la ville.


En ces périodes troubles où la religion déterminait bien souvent la vie d’un individu, Constantinople faisait figure d’exception et de modèle : Sainte Sophie qui était le centre de la chrétienté côtoyant les mosquées et leurs muezzins en toute harmonie en était la preuve. La tolérance était de mise envers les chrétiens tout comme envers les juifs chassés d’Espagne.


Cette ville comme vous l’aurez compris est donc un lieu de rencontre entre deux cultures, deux religions mais également entre l’art byzantin et l’art de la renaissance. C’est donc une ville où s’entremêlent artistes italiens et peintre byzantins, juifs et musulmans, orient et occident. Ce lieu symbolique fait ainsi douter Michel-Ange : «La matière de la ville lui est si obscure » (page 65), Constantinople est mystérieuse, difficile à cerner.




Dans Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Mathias Enard nous fait voyager. Il parvient à convaincre le lecteur de suivre Michel-Ange tout au long de son périple. En effet, grâce à son style d’écriture et à la justesse de ses mots, le lecteur accroche et ressent les émotions ainsi que les sentiments du personnage. Le lecteur voyage et vie avec lui dans un Constantinople cosmopolite où Andalous, Italiens, Chrétiens, Juifs, Levantins, tous sont acceptés, tous sont mélangés.



Mathias Enard dresse le portrait de la très belle ville de Constantinople. Une ville où brillent des couleurs éclatantes. L’auteur, ayant voyagé et séjourné au Moyen-Orient retranscrit parfaitement ce mélange de couleurs. « cipolin, ophite, sérancolin, serpentin, cannelle, dauphin, porphyre, brocatin, obsidien, cinatique. Que de noms, de couleurs, de matières, alors que le plus beau, le seul qui vaille, est blanc, blanc, blanc, sans veines, rainures ni colorations. Le marbre lui manque » (page 68). Cette citation nous permet de rappeler que Michel-Ange est avant tout un sculpteur, et que le marbre qu’il utilise pour ses œuvres lui manque. Pour lui, le blanc représente la douceur dans la clarté. Le blanc symbolise aussi la lumière. Mathias Enard utilise joue beaucoup sur les effets de luminosité dans son roman. En effet, la lumière est omniprésente : « une tache de lumière tombe sur son épaule tordue par l’effort » (page 78), « il voit qu’on apporte de la lumière, il entend qu’on l’appelle » (page 134), « il lui reste une vague lumière, une douceur subtile mêlée d’amertume » (page 151). L’auteur contraste cette luminosité éclatante avec des couleurs obscures : « Et, plus que tout, le dessin, la blessure noire de l’encre, cette caresse crissant sur la grain du papier » (page 65), « la Corne d’Or se perd dans des méandres de brume obscure et, à l’est, le Bosphore dessine une barrière grise dominée par les épaules sombres de Sainte-Sophie, gardienne du fossé qui les sépare de l’Asie » (page 84), « Le noir presque complet » (page 95), « le noir damas est extraordinairement beau » (page 103). Le contraste de ces deux extrêmes est représenté par l’expression « l’incertitude scintillante de l’obscurité » page 11. De plus, la couleur rouge jalonne le récit : «pourpre » (page 36), « rehauts de rouge » (page 100). Pour finir, le lecteur a l’impression que les couleurs de Constantinople donnent l’inspiration à Michel-Ange pour ses œuvres futures : « Son regard est transformé par la ville et l’altérité ; des scènes, des couleurs, des formes imprégneront son travail pour le reste de sa vie » (page 91).



La musique et le chant sont des thèmes que l’on retrouve souvent dans ce roman. Michel-Ange puise ses ressources notamment dans la musique : « il aimait tâter du vin, de la poésie et de la musique » (page 12). Tout au long de son parcours la musique va accompagner l’artiste : « fasciné par la voix puissante qui s’envole dans les aigus […] commenter le chant » (page 48), « puis viennent la musique et le chant » (page 89), « un chant divin » (page 91). Chaque description de mélodie nous entraine dans une atmosphère paisible. La musique est harmonieuse avec des instruments comme « un luth, une mandore et une viole […] accompagnés d’un tambour » (page 42).



Si cet ouvrage est plaisant à lire, c’est grâce à cette alchimie entre ces deux univers, ces deux mondes. En effet Mathias Enard ne s’est pas contenté de présenter deux cultures, mais les a réellement mélangées, s’appuyant également sur la forme de son roman. La symbolique du pont prend alors toute son importance, d’où l’image de cette vinaigrette si bien réalisée, aux bonnes proportions dues au mélange parfait de ces ingrédients pourtant si différents. Finalement le « personnage » principal du livre n’est-il pas Constantinople elle-même ? Evidemment, le lecteur s’interroge : 500 ans plus tard, Constantinople est devenue Istanbul mais son rôle a-t-il réellement changé ?



ALLARD Adrien


MARCHADIER Thibault


POIRIER Aurélie


RIVALLAIN Manon



1èreES.4


Mme FEKI


Lycée Jacques Monod


46 rue du Fort


92140 CLAMART


France - Europe

Critique littéraire sur le roman parle leur de batailles, de rois et d'éléphants de Mathias Enard. Quelle place pour l'Art et l'Histoire dans le roman de Mathias Enard? Le livre de Mathias Enard, intitulé parle leur de batailles, de rois et d'éléphants se passe en 1506, et narre l'histoire de Michel-Ange, jeune sculpteur architecte et peintre de l'époque qui, depuis quelques années, se fait un nom. L'intrigue du roman se déroule à Constantinople (http://fr.wikipedia.org/wiki/Constantinople) où Michel-Ange vient de débarquer, après avoir laissé derrière lui, en Italie, le pape guerrier et « mauvais payeur » Jules II, et l'édification de sa tombe, à Rome, afin de pouvoir travailler sur un projet du sultan Bajazet: celui d'édifier un pont sur la Corne d'or. Le projet avait tout d'abord été confié à Léonard de Vinci, mais les plans qu'il avait proposé n'avait pas convaincu le sultan. Ici, Mathias Enard a tenté de raconter un pan de la vie de Michel-Ange, tel une biographie qu'il a romancé et éloigné de la réalité afin de nous transporter dans un monde où l'on croit rêver, tellement le style de l'auteur est flou et poétique par moments... Dans ce livre, deux choses sont à la base de l'intrigue: l'histoire et l'art. Ce roman nous rapporte pleins de faits historiques passionnants: on y apprend beaucoup sur la vie de personnes célèbres, et qui le resteront sans doute encore longtemps à travers leurs œuvres d'art qui ont marqué, marquent et marqueront encore les esprits comme Léonard de Vinci ou encore Michel-Ange, héros du livre parle leur de batailles de rois et d'éléphants, de Mathias Enard. En plus de personnes célèbres grâce à leurs œuvres, on y retrouve des personnages d'autorité tel que le pape guerrier Jules II, ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_II) le sultan Bajazet (http://fr.wikipedia.org/wiki/Bayezid_II) , et les deux autres qui l'ont précédé. L'Histoire tient une grande place dans ce roman: tout d'abord, le fait que l'action se déroule à Constantinople, qui se nomme maintenant Istanbul, et que nous ayons un bon nombre de détails sur la ville, l'architecture des habitation, ainsi que sur les coutumes et le caractère des gens. Mais aussi que ce livre décrit Michel-Ange ou plutôt Michelagnolo au travail, dans ses moments de doutes et de réflexions ou tout simplement de repos et de découvertes. Ou encore lorsqu'il dessine ce fameux pont sur la Corne d'or autour duquel tourne toute l'intrigue du livre. Michel-Ange (http://fr.wikipedia.org/wiki/Michel-Ange) visite une ville certes dominée par un sultan musulman, mais aussi très cosmopolite: Arabes andalous du royaume de Grenade chassés par les rois catholiques, latins et juifs... On y apprend que les juifs et les chrétiens ont le droit de s'installer à Constantinople à condition de ne pas le faire à proximité d'une mosquée. On peut aussi remarquer, au travers de citations, une influence génoise; De plus, au travers d'une histoire inventée, on image la complexité des relations entre les hommes. Les rivalités peuvent conduire à des alliances paradoxales entre certains princes chrétiens et musulmans contre leurs propres peuples. C'est dans l'épilogue que nous en apprenons le plus: Mathias Enard nous résume en deux-trois pages les ouvres accomplies par Michel-Ange, où elles se situent, l'âge auquel il meurt, si ses problèmes d'argent et de famille ont été réglés... Finalement, on pourrait se dire que nous sommes des touristes visitant Constantinople, et que, à travers Michelagnolo, Mathias Enard nous fais visiter cette époque magique, temps de génies tel que de Vinci ou encore Michel-Ange. Tout au long de son roman, Mathias Enard mélange poésie et art. Dans un premier temps, il exprime la beauté de son Pays natal : la Turquie à travers Constantinople, cette ville riche en saveurs et en odeurs orientales, aux portes de l'Orient. Il nous plonge ainsi dans son univers, celui d'une Méditerranée mythique, celui de Michel-Ange. Et dans un deuxième temps la construction du pont de la Corne d'or. Michelangelo, peintre et sculpteur de renom débarque à Istanbul sur la demande du Sultan Bajazet en 1509. Le souverain lui a passé commande d'un pont à ériger au-dessus de la Corne d'or. Il s'agit de créer une jonction entre l'Orient et l'Occident. Le génie de la sculpture (David, La Pietà) est parti sur un coup de tête. Il en avait assez des rebuffades du pape Jules II. Il a laissé en plan la construction du tombeau du pape alors trop mauvais payeur pour s'engager sur le projet Turque. Ce résumé rappelle que Parlez leur de bataille de rois et d'éléphant peut être aussi perçu comme un roman basé sur des faits historiques illustrés de passages et détails artistiques relatifs à l'histoire du pont entre l'Orient et l'Occident.Ce roman regorge de nombreuses anecdotes sur la vie dans la cour d'Ali Pacha, les bas-fonds d'Istanbul, le quotidien de l'artiste Florentin et sa manière de travailler ainsi que les rapport de ce dernier avec la papauté d'alors. Ces dernières nous rapprochent de plus en plus du livre et nous permet de mieux nous identifier au personnage, de mieux ressentir les désirs, goûts, sensations de Michel-Ange. De nombreux passages de poésie nous montre à quel point l'auteur a voulu s'appuyer sur la beauté de Constantinople, sur sa manière de rédiger son roman afin de se démarquer des règles précises de l'écriture d'un livre. Tu n'as pas su t'élever à la hauteur de l'amourEt prendre tel le faucon ce qui était à ta portéeLa proie était à toi, tu l'as laissée passerLes amants sont cruels s'il voient faiblir l'aimé.Cette bataille que j'ai gagnée, je la perds.Ce sol que je défends sera pour moi un désert,Et les âmes de ceux que j'ai assassinés,Mes gardiens pour l'éternité.(p.98) Cette diversité que l'auteur nous apporte nous fais aimer d'autant plus le livre. De part la mise en page courte et précise du texte et par ailleurs l'emploi de la poésie, des notes personnelles ou encore des lettres. Ce livre de Mathias Enard nous a impressionné: Sa manière qu'il a de rythmer son roman, entrecoupé de passages doux et poétiques, comme pour que nous puissions retrouver notre souffle, cette façon de mélanger l'art et les artistes que, finalement nous ne connaissons que trop peu, à l'histoire,ou plus précisément à des moments historiques fascinant qui, au final nous font aimer cette matière... Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants est un roman des plus instructifs, et c'est ce que nous avons, entre autre, après son style, apprécier.

dimanche 27 mars 2011

Article critique Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants

« Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants », un roman qui se distingue
Parle leur de batailles, de rois et d’éléphants, écrit par Mathias Enard et publié par Actes Sud en 2010, retrace les péripéties de Michel- Ange lors de son séjour à Constantinople. C’est suite à une altercation avec le pape Jules 2 et une invitation du sultan Bayazid que Michel-Ange va se retrouver architecte afin de superviser la construction d’un grand pont destiné à relier Constantinople et Péra, un faubourg septentrional. Michel-Ange parviendra-t-il à réussir là où Léonard de Vinci a échoué ?

Un roman pas comme les autres

Ce qui rend différent « Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants » des autres romans est l’aspect poétique du récit : la poésie est toujours présente dans l’atmosphère dans laquelle Michel-Ange évolue. Le narrateur, dans ce récit, est omniscient, et il met en avant l’aspect poétique en partie grâce aux lettres que Michel-Ange envoie à ses proches durant son séjour à Constantinople. La lecture est rythmée par la mise en forme que lui donne l’auteur : il écrit à certains moments à la manière des chants et poèmes ottomans à cette époque, ce qui est sans doute l’un des points fort de ce roman.

La distinction qu’on fait entre ce récit et les autres romans est la forme de la narration. La plupart du récit est à la 3ème personne : le narrateur est extérieur mais nous sommes dans le point de vue de Michel-Ange ou, plus rare, celui de Mesihi. On remarque cependant que certains passages changent de narrateur : il devient « je ». Un « je » d’abord indéfini qui parle à un « tu » qu’on suppose être Michel-Ange. Leur identité et leur rapport s’éclairciront au fil du récit.

Dans son livre, Mathias Enard raconte la vie de Michel-Ange à partir de faits réels et fictifs. En effet, pour écrire son roman, l’auteur, passionné des histoires des arts et de la Turquie, est parti d’une découverte étrange dans la bibliothèque de la villa Medicis (dont il a été résident entre 2005 et 2006) à Rome. Dans une biographie de Michel-Ange, il lit en effet cette phrase : « Et Michel-Ange reçut alors l’invitation du sultan de Constantinople pour construire un pont ». Pour l’admirateur de Michel-Ange et le passionné de la Turquie, ces deux lignes énigmatiques sont trop étranges pour être oubliées. Il continue ses recherches en lisant la biographie de l’artiste réalisée par Ascanio Condivi, un contemporain et ami du peintre. Il y apprend que l’invitation a été transmise par deux moines franciscains et la date exacte de la transmission de la lettre.

Par la suite, il voyage en Turquie pour savoir si une trace à propos de cela avait été gardée. Il y trouve un croquis anonyme mais pouvant correspondre à un dessin de Michel-Ange par le style et par la date. Un voyage à Milan lui révèle également un croquis refusé de Léonard de Vinci.

« Pour le reste, on n’en sait rien » : c’est avec cette phrase que Mathias Enard termine son livre.

On voit bien ici que Mathias Enard est parti de faits réels afin de commencer son histoire. Les péripéties de Michel-Ange à Constantinople proviennent, elles, de son imagination.

http://rhinoceros.eu/2010/08/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-d-elephants-de-mathias-enard/

La beauté de la ville

Ce qui marque aussi le livre sont les descriptions. Lors de son arrivée à Constantinople, Michel-Ange est fasciné par le monde qui l’entoure, ce monde qu’il ne connait pas : le monde ottoman. Constantinople, qui était avant une cité chrétienne, est maintenant emprunte de religion musulmane.

L’ensemble de ce texte dégage une impression de poésie. D’abord par le lieu où se situe l’histoire, Istanbul et les mystères de l’Orient :

« Il s’est laissé conduire, à pied à travers les rues tièdes de la ville. Les boutiques fermaient, les artisans cessaient le travail, les parfums des roses et du jasmin, décuplés par le soir se mêlaient à l’air marin et aux effluves moins poétiques de la cité. » (p44)

C’est avec les yeux de Michel-Ange, qui cherche l’inspiration, que nous découvrons cette contrée lointaine, avec ses saveurs, ses odeurs, ses couleurs, et bien sûr ses personnages : le sultan, le vizir, les chanteurs, le poète ottoman Mesihi. Michel-Ange découvre Constantinople, cette ville majestueuse, embellie par les monuments qu’on peut y voir : Sainte Sophie, ses mosquées et ses caravansérails.

Les réflexions de Michel-Ange et son cheminement dans la création, la façon dont il imagine le pont, comment il parvient à élaborer sa création artistique sont aussi en lien avec la beauté de la ville.

« La beauté vient de l’abandon du refuge des formes anciennes, pour l’incertitude du présent. Michel-Ange n’est pas ingénieur. C’est un sculpteur, on l’a fait venir pour qu’une forme naisse de la matière, se dessine, soit révélée » (p 57)

Michel-Ange admire et observe les formes des bâtiments de la cité afin que son pont puisse ressembler aux structures merveilleuses de cette ville magnifique.

http://www.telerama.fr/livres/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-d-elephants,59095.php

L’amour et les désirs

L’amour est également très présent dans ce roman. Deux personnages sont concernés avec Michel-Ange.

Il y a tout d’abord le poète Mesihi, qui dès l’arrivée de Michel-Ange, commence à éprouver des sentiments pour lui. L’artiste préfère ne pas s’en apercevoir tout au long du récit. Mesihi est un personnage très vivant dans ce roman. On découvre son point de vue lors de ses monologues, lorsqu’il est étendu auprès de Michel-Ange. Il lui raconte, il lui parle, tente même de l’éveiller. Son amour et son sacrifice pour Michel-Ange à la fin du récit son très touchants.

Il y a ensuite l’amour entre la jeune andalouse et le héros du livre, fasciné par sa danse et ses chants. C’est sa voix et elle qui parlaient à Michel-Ange dans la nuit, lorsqu’elle lui contait les batailles de rois et d’éléphants.

La poésie se retrouve dans le style et les descriptions. Lorsqu’il rencontre l’Andalouse, l’auteur utilise des mots simples mais de manière répétées, ce qui donne une impression de poésie

« Ton bras est dur, ton corps est dur, ton âme est dure.. » p 29

« Tu penses désirer ma beauté, la douceur de ma peau, l’éclat de mon sourire, la finesse de mes articulations, le carmin de mes lèvres, mais en réalité, ce que tu souhaites sans le savoir, c’est la disparition de tes peurs, la guérison, l’union, le retour, l’oubli. Cette puissance en toi te dévore dans la solitude.

Alors tu souffres, perdu dans un crépuscule infini, un pied dans le jour et l’autre dans la nuit. »

Tout au long de l’histoire, il est question de sensibilité : celle de Michel-Ange, qui apparait comme un artiste tourmenté par son travail de création mais aussi comme un personnage à la sensibilité très forte avec un mélange de sentiments et de sensations tels que la peur, la mort, l’amour, l’ivresse :

« Michel Ange cherche l’amour, Michel Ange a peur de l’amour, tout comme il a peur de l’enfer » (p.79)

« Lui qui voit l’amour comme un chant divin écarté de la chair, passé dans la poésie tel le mouvement du bras passé dans le marbre pour l’éternité… » (p.91)
http://chroniquesdelarentreelitteraire.com/2010/08/roman-francais/parle-leur-de-batailles-de-rois-et-delephants-de-mathias-enard
Nicolas CRONIMUS & Louis-Baptiste ANNINO, 2nde 4 au lycée Jacques Monod, 15 rue du fort, 92 140 Clamart



Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants



Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est le dernier livre écrit par Mathias Enard, écrivain et traducteur français, célèbre pour son roman zone . Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants a été publié en 2010 aux éditions Actes Sud. Ce livre retrace le voyage du célèbre artiste italien, Michelangelo, lors de son arrivée à Constantinople, le 13 mai 1506 sur invitation du sultan Bajazet II, afin de réaliser un pont. Michelangelo fuit l’Italie le Pape Jules II laissant en chantier l’édification du tombeau, à Rome.


Un récit historique et le début d’une amitié


Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est à la fois une histoire vraie, celle de l’arrivée de Michelangelo à Constantinople, donc un fait historique, mais Mathias Enard encre dans son livre des passages fictifs d’une manière intelligente, fine et subtile. Ce livre est un roman historique et l’univers fictif se mêle au voyage de Michelangelo.


Mesihi est un poète, qui va accompagner tout au long du récit Michel-Ange et se prendre de passion pour ce dernier. Un étroit lien va unir les deux artistes, l’un touchant à l’art de l’abstrait, des mots, l’autre, du concret. Et pourtant, nous ressentons comme une complicité qui dépasse les mots entre ces deux hommes, c’est peut-être tout simplement cette passion pour l’art qui les unit, parfois malgré eux.


Tout au long du roman, Mathias Enard fait de nombreux liens avec les différents arts, notamment avec la musique et la danse. En effet, le personnage principal, Michel-Ange, tombe sous le charme d’une personne androgyne, enivrante de grâce, de subtilité, restant dans une sorte de brouillard. Cette personne, jeune, est musicienne, elle danse, rappelant les derviches tourneurs, dans leurs grands tissus amples, dissimulant les formes, pour renforcer la sensation d’une personnalité intouchable, inatteignable, qui nous échapperait sans cesse.

Les effluves d’alcool, les nombreuses senteurs épicées, au son du luth et des tambourins font tourner la tête de l’artiste, l’entrainant toujours plus, au cours de ces soirées dans une lenteur languissante, une torpeur qui le tient, l’empêchant d’une certaine manière de se consacrer pleinement au pont, à l’œuvre qu’il doit réaliser.


« Il leur faudra parler longtemps de batailles perdues, de rois oubliés, d’animaux disparus. » (p128)


Ces quelques mots sont prononcés par la danseuse, dans l’obscurité de la chambre, à mi-voix, à Michel-Ange, dans une langue étrangère. Ils ne seront pas compris directement par Michel-Ange mais celui-ci les réécrira dans son carnet où il fait ses listes sous la forme suivante :

« Reyes, batallas, elefantes.

Battaglie, re, elefanti. » (p129)

Les listes. Suite de mots où Michel-Ange écrit ses pensées, à la manière d’un pense-bête, mais un enchainement de termes, pour essayer de reconstituer, lors de la lecture, l’univers, l’atmosphère du moment présent. Elles sont rédigées à première vue en désordre, sans harmonie, mais en y prêtant attention, nous remarquons une sorte de prose, qui va rythmer le roman.


« 19 Mai : Bougies, lampe, deux petites pièces ; brouet (herbes, épices, pain, huile) autant ; poissons en friture, deux pigeons, un ducat et demie ; service, une petite pièce ; couverture de laine, un ducat.

Eau fraîche et claire. »


Dans le livre Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants, Michelangelo est invité à Constantinople sur demande du sultan Bajazet II. Celui-ci demande à l’artiste de construire un pont sur la corne d’or suite au désistement du célèbre léonardo Da Vinci.

Le Pont n’est qu’un simple pont, il est à la fois un pont militaire, commercial, religieux ainsi que politique. Le pont illumine également l’âme d’Istanbul : une ville internationale dont l’édifice au-dessus du Bosphore dévoile son alliance entre l’Occident et l’Orient. Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphant nous révèle le cosmopolitisme et la tolérance intemporels de la capitale de la Turquie en nous plongeant dans la ville au XVIe siècle.

« En retraversant la Corne d’Or, Michel-Ange a la vision de son pont, flottant dans le soleil du matin, si vrai qu’il en a les larmes aux yeux. L’édifice sera colossal sans être imposant, fin et puissant. Comme si la soirée lui avait dessillé les paupières et transmis sa certitude, le dessin lui apparaît enfin. Le pont qui, telle une apparition, finit par surgir de l’esprit de l’architecte prend ainsi une valeur de symbole, celui de la réconciliation des forces contraires qui le torturent intimement ».

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Michel-Ange l’Artiste

Mathias Enard fait de Michel-Ange un personnage à la personnalité complexe, fascinante, hors du commun. L’artiste se considère lui-même comme un génie, au dessus des autres, supérieur. Il se sait meilleur que le renommé Leonard de Vinci, qui a aussi proposé un croquis de pont pour le sultan Bajazet, proposition qui a été rejetée. Il est distant, méprisant, impulsif, lunatique, tantôt dans une grande colère, tantôt très calme. Son caractère est dur à cerner, il n’exprime pas ses désirs, ne communique pas vraiment ses sentiments sur la situation qu’il vit, comme lorsqu’il veut absolument assister à une exécution publique, et que cela le laisse de marbre. Ses relations avec les gens sont pour le moins originales ; il n’a pas vraiment d’amis mais s’attache à certaines personnes comme le poète Mesihi, qui lui servira de guide lors de son séjour à Istanbul, il en craint d’autres comme le pape Jules II pour lequel il est chargé d’édifier un tombeau et qu’il fuit en quittant Rome, il correspond avec ses frères dont on ne sait rien. Il ne ressent pas le puissant attachement que Mesihi a pour lui.

L’artiste a une manière bien à lui de travailler. Durant la majeur partie du livre, il dessine des animaux, des lieux, des parties de l’anatomie du corps humain, se promène dans la ville, assiste à des fêtes... Il ne recherche pas une nouvelle idée, c’est l’idée qui vient à lui, qui lui apparait, pour qu’il la réalise. Il peut donc attendre des mois qu’un nouveau projet lui vienne, puis prendre seulement quelques jours à sa réalisation. Et ses réalisations sont souvent inoubliables, imposantes, géniales, à l’image de leur créateur. Dans le roman, Michel-Ange possède un carnet, un journal où il note toutes ses pensées, où il réalise ses croquis, où il consigne sa vie avec des mots. On peut ainsi lire plusieurs listes de mots, sans rapports apparents entre eux, dans le désordre, juste mis à plat sur le papier. Nul ne sait qu’elle est la raison de ces listes, mais le fait est qu’elles sont là, présentes, révélatrices de la personnalité énigmatique du génie qui va peindre en 1511 la célèbre fresque de la chapelle Sixtine.




Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants est un petit chef-d’oeuvre inspiré du voyage de l’artiste Michelangelo. Dans ce livre, nous voyageons à travers le temps et découvrons une histoire méconnue de la vie de Michelangelo. Nous découvrons au fil des pages, la ville de Constantinople, sa religion, et son art.

Mathias Enard nous murmure une magnifique histoire qui nous parle « de rois, de batailles et d’éléphants ».

Grégory Laurent-Gualandi, Clara Curmi et Pauline Bouschon,

2de 11 du lycée Jacques Monod de Clamart

La symbolique du pont ou la fusion de deux mondes






Critique Littéraire

La symbolique du pont ou la fusion de deux mondes


La critique littéraire que nous proposons est basée sur l’ouvrage de Mathias Enard (1972), Parle-leur de batailles de rois et d’éléphants, publié en 2010 aux éditions Actes Sud. Les influences orientales de l’écrivain, sa passion pour les cultures ottomanes et latines ainsi que pour les langues arabes, lui valent en 2010 le prix Goncourt des Lycéens, pour un roman basculant entre poésie fictive et réalité historique.

Le 13 mai 1506, l’artiste de légende et de grande renommée Michelangelo quitte la chaleur maternelle de son Italie natale, pour échapper à l’emprise du pape Jules II, et débarque sur les quais du Bosphore, miroitant sous les rayons ocres d’un soleil de plomb. Là, il se livre à l’ennemi et offre un ultime affront à son pays en déployant ses qualités de virtuose pour élaborer les plans d’un onirique pont surplombant la Corne d’or, à la demande même du sultan Bayazid de Constantinople, le Juste, le Pieux.

Au travers de son écrit, l’auteur met en valeur le thème du pont, cette fulgurante symbolique par laquelle il cherche à lier deux mondes, l’Orient et l’Occident, deux cultures mais également deux civilisations que tout oppose. Des rencontres improbables, la naissance de sentiments nouveaux, comme la découverte d’un monde inconnu et parfois incongru, nous plonge dans cet univers lyrique et touchant que Mathias Enard décrit avec volupté grâce au ciment de sa poésie, parallèle au pragmatisme de son récit.


Genèse d’un monde nouveau


A l’instar de la toile de Claude Monnet, le matin oriental tel une Impression Soleil Levant, met et éveil nos sens, et nous appelle au fil des mots de l’auteur, à écouter « le chant fraternel du muezzin en haut du minaret », tandis que nos papilles s’imprègnent de la saveur mielleuse des pâtisseries orientales gorgées de miel et d’arachides, de cannelle et de fleur d’oranger, plongées dans ce sirop sucré et doré. Envoutés par l’arôme piquant des épices à profusion, l’Orient nous ouvre ses grandes portes mordorées tandis qu’un soleil ambré s’élève à l’horizon révélant l’éclatante silhouette de la Basilique Sainte Sophie.

Et sur l’autre rive du fleuve paisible, le nébuleux Occident, si proche et si lointain, comme insaisissable, une sphère étrangère qu’un simple pont nous suffirait à relier pour créer l’osmose parfaite entre deux esprits, deux finesses, deux sociétés, la symbiose ambigüe de deux contradictions, pourtant évidente.

Mathias Enard cherche au travers de son récit à obtenir l’adhésion parfaite, par l’intermédiaire du sculpteur Florentin et de ses fines esquisses, entre l’art byzantin, l’intelligence italienne, les proportions et les perspectives.


Rencontres entre Orient et Occident


Le pont que doit bâtir Michelangelo n’est pas seulement un lien qui devrait unir deux cultures et qui « fabriquera une ville impériale » mais aussi une excuse, un prétexte pour entretenir des relations improbables entre mondes et personnalités opposées. Ainsi le peintre souhaite se venger d’un pape qui a selon lui osé rejeter son talent. Le virtuose se prend souvent à penser à la réaction que pourrait avoir Jules II si il apprenait son entrevue avec Le Grand Turc. « Cette pensée lui instille un mélange assez plaisant d’excitation et de terreur. »

Michelangelo fait également la connaissance d’un artiste, Mehisi, avec qui il entretient une relation singulière. Le poète secrétaire se soumet à la prestance absolue de Michel-Ange, jusqu'à le sauver d'une destinée mortelle dont le sculpteur ne nourrissait aucuns soupçons.

Survint alors une danseuse inconnue, orpheline, chassée. Michelangelo cherche l'amour. Il le trouve. Il s'offre intimement à la belle Andalouse. Elle lui parle à la lumière d'une chandelle, lui conte des histoires, son histoire. Dans la pénombre, sa voix chante, menace, s'adoucit. Les deux amants ne se parlent pourtant pas. Cette liaison fusionnelle qu'entretiennent le maître de la sculpture et la déesse du chant semble fugace, subtile.


De l’idée à la plume


Si Mathias Enard par la fétiche thématique du pont se plaît à forcer les pièces du puzzle pour accorder l’inaccordable, il n’omet néanmoins pas de nous plonger dans les méandres de l’esprit de l’habile maestro, afin de nous faire découvrir le cheminement de la pensée vers le crayon, de l’inspiration vers le croquis. Michel-Ange s’alimente d'une certaine manière de Constantinople, ville méconnue, gouvernée par l'ennemi du peuple florentin. Cette cité, à l'image d'une femme insurgée mais douce apprend à l'artiste à respirer, aimer, souffrir, vivre. Il apprécie flâner dans les galeries sombres, les marchés locaux, les boutiques suffocantes. Le sculpteur s'empreigne de l'essence de la ville, s'approprie son âme qui s'ouvre à lui toute entière. Ca n'est pas un simple pont qu'on lui ordonne d'ériger, mais la fondation aérienne et vertigineuse d'une cité, le point de rencontre et d'échange de toute une civilisation. Ainsi nous voyageons au travers de la futur Istanbul, dans les souks, les tavernes et les marchés noirs à la recherche de cette infime révélation qui fera germer l’idée.


Mathias Enard réussit, par l’écriture d’un récit épistolaire à la fin troublante, à pénétrer le mystère d’un évènement qui s’est déroulé il y a plus de cinq siècles, il transgresse les règles pour rendre vivant haletant et délectable ce mythe historique, usant et abusant de la thématique d’un pont inexistant, imaginaire, rêvé. Il manie avec une sensibilité élégante, le lyrisme des mots pour nous offrir un petit bijou de sensualité.

Parce que nous ne sommes plus des enfants, Mathias Enard nous parle de batailles, de rois, d’éléphants, mais également d’amour et des choses semblables.

Boivin Laure, Lestrat Marion, Oster Auriane (2de 11)

samedi 26 mars 2011

Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, un voyage féerique au pays du Grand-Turc


Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, un voyage féerique au pays du Grand-Turc
Avec Parle leur de batailles de rois et d'éléphants, Mathias Enard a fait le choix de raconter quelques mois méconnus de la vie de Michel-Ange. Quelques mois oubliés dont il ne reste que très peu de choses: seulement quelques lettres et plans à partir desquels l'auteur transporte son lecteur dans un voyage inoubliable entre histoire et poésie, réalité et fiction, nuit et jour. De ce voyage, on en retiendra surtout une atmosphère, celle d'un orient en construction sur lequel flotte un parfum d'épices et de rêve.
Michel-Ange a vécu 88 ans de 1475 à 1564. Nous lui connaissons de nombreux chef-d'œuvre dont les plus connus sont très certainement le David de Florence et le plafond de la Chapelle Sixtine.
De nombreux « chapitres » de sa vie nous sont connus comme sa jeunesse à Florence, son amitié émaillée de disputes avec le pape Jules II, ou encore la construction inachevé
e du tombeau de ce dernier.
Cependant, ce n'est pas cela qu'a choisi de raconter Mathias Enard: dans Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants, il préfère évoquer un passage peu connu de la vie du peintre: son voyage en 1506 à Constantinople.
En 1506, Michel-Ange travaille déjà depuis quelques années sur
la construction du tombeau monumental de Jules II. Cependant, exaspéré par le comportement du pape, qui ne le traite pas comme il le voudrait et qui de plus est mauvais payeur, le sculpteur décide de quitter Rome. Il se réfugie alors dans sa ville natale, Florence, où il attend avec impatience et anxiété une lettre du souverain pontife qui tarde à venir. Au bout de quelques jours, il reçoit une lettre, mais du grand turc, qui l'invite à Constantinople pour la construction d'un pont au dessus de la Corne d'Or.
En 1506, cela fait aussi un peu plus de 50 ans que les ottomans occupent l'ex- capitale orthodoxe. Ainsi, plus qu'un voyage dans l'histoire, Mathias Enard nous emmène avec Michel-Ange dans un voyage entre deux mondes, dans une Europe partagée entre l'occident chrétien et l'orient musulman (ce qui est, encore aujourd'hui d'actualité). C'est sans doute ce voyage qui nous cueille et nous transporte dans cet univers particulier, plein de poésie. Mesihi, un poète ayant réellement existé, protégé du vizir Ali Pacha, que Michel-Ange rencontre à Constantinople
est en quelques sorte le symbole de cette poésie. À la page 94, Mathias Enard cite quelques uns de ses vers:

« Je ne cesse de désirer que lorsque mon désir
est satisfait, que ma bouche atteint
la lèvre rouge de mon amour,
où mon âme expire dans la douceur de son haleine. »

Le livre commence par cet extrait emprunté à Rudyard Kipling: « La nuit ne communique pas avec le jour. Elle y brûle ». Cette formule prend tout son sens à partir de la page 42, lorsque Michel-Ange aperçoit pour la première fois une danseuse, dont il ne sait pas très bien s'il s'agit d'une danseuse ou d'un danseur, et dont il tombe sous le charme. Sous le charme de ce corps parfait et c'est ce qui constitue avec la construction du pont, le deuxième pilier du livre. Cependant, assez vite, ce pont ne se sera plus qu'un prétexte pour un livre parlant d'amour et d'ivresse. C'est ainsi que tout le long du récit, la nuit sera le règne de l'imaginaire, du rêve et du fantasme matérialisés par la danseuse; et le jour ne sera qu'un passage par la réalité où l'on retrouve une certaine lucidité.
Ce n'est pas un livre que nous lirons pour la richesse de son histoire mais pour l'atmosphère mysté
rieuse et confuse se dégageant des nombreuses oppositions ressortant du livre et par la poésie omniprésente.
À chaque page, nous découvrons un peu plus le sculpteur, personnage atypique qui oscille entre le génie arrogant le jour et l'âme sensible envoutée par la vue d'une danseuse, la nuit.
Ce n'est cependant pas une biographie : tout au long du livre, Mathias Enard reste sur le fil entre petite histoire et grande Histoire; et Parle leur de batailles, de rois et d'éléphants apparaît finalement comme une fiction guidée par quelques éléments historiques.
Ni biographie, ni fiction, Mathias Enard a trouvé un style nouveau et original entremêlant dans une certaine magie réalité et fiction. L'ensemble de l'histoire est imprégnée de poésie, non seulement par la présence de quelques poèmes mais encore tout au long du livre avec une omniprésence très plaisante qui tient le lecteur en haleine jusqu'à la fin tragique.


Laurent Selinder, Claire Bouchereau, Lucas Soumier et Lucie Fourment (2de 4)